L’indispensable outil !

par Jean Pélissier, professeur en MTC

Séries télévisées, portables, SMS, informations en boucle, contre-informations, excès de paroles, colères, incompréhensions, violences verbales, conflits, peurs, justifications, notre esprit est soumis à un maelström de pensées.

 En médecine chinoise, il est dit qu’à l’instar d’une diététique non contrôlée, l’excès de pensées épuise l’énergie de la Rate-pancréas.

 Rappelons-nous : ce logiciel-organe est « la gare de triage » des aliments que nous ingérons, « gardant le pur et rejetant ce qui n’est pas nécessaire pour la vitalité de notre corps ».

Mais c’est aussi « le centre de tri » des informations que nous recevons.

 Une boulimie informationnelle épuise littéralement l’énergie de cet organe.

  Or, si on s’en réfère aux cycles des cinq éléments, l’énergie de la Rate contrôle les Reins, là où se trouve logée notre batterie, nos défenses immunitaires et nos facultés d’adaptation.

 Cette perte de contrôle nous affaiblit et nous sommes de plus en plus perméables aux agressions extérieures, mais aussi à l’explosion de très nombreuses pathologies internes.

 Un seul moyen pour sortir de cette spirale autodestructrice, hormis le fait de s’éloigner des médias « phagociteur de pensées »,

c’est d’arrêter notre ordinateur central, de freiner le flot incessant de nos pensées avant que notre corps ne se mette en mode burnout.

 Dans les méthodes de prévention mises à notre disposition par la médecine chinoise, il existe pour cela une pratique incontournable :

la MEDITATION.

 Tout le monde sait, connaît ! Une multitude de livres traitants de ce sujet, la plupart du temps lu qu’une seule fois, s’endorment sur les rayons de nos bibliothèques.

 À force de mettre la barre trop haute, à vouloir méditer une à deux heures par jour, les vrais pratiquants finissent par se compter sur les doigts de la main.

 Mais en réalité, l’acte méditatif devrait accompagner pratiquement chaque instant de notre vie.

C’est la PLEINE CONSCIENCE !

 Cette culture de l’instant présent permet de calmer le flot de nos pensées et de retrouver le calme intérieur.

 Comme disait mon maître, quand vous buvez: vous buvez, quand vous pissez: vous pissez. Vous ne pensez à rien d’autre.

 Un exemple que je donne souvent : imaginez que vous vous immergiez dans les profondeurs de votre corps.

Tout est noir, calme, sans bruit ou si peu.

Votre usine intérieure, à l’insu de votre plein gré, continue inlassablement son travail quotidien.

Les battements de votre cœur, votre respiration rythment votre interne.

Votre sang, vos hormones, votre influx nerveux, vos énergies circulent sans entrave.

Des milliards de cellules naissent, et autant s’autodétruisent.

Dans cet état d’immersion, à l’instar d’un apnéiste, vous entrez dans le monde du silence.

 Donc avant de calculer le nombre d’heures de méditation que vous pratiquez, un peu comme un pilote d’avion,

vivez en pleine conscience chaque acte de vie, et ce le plus souvent possible.

 Au bout du chemin, un état de plénitude, de calme intérieur, de « zenitude », de bonheur permanent s’installe.

  Voici une petite histoire tirée de l’oeuvre de Tchouang Tseu, penseur taoïste du 4e siècle avt JC, et mise au goût du jour par Yu Dan :

     « Un menuisier dans le feu de l’action avait lancé son bras en l’air et d’un geste un peu trop enthousiaste éjecté au loin la montre qu’il avait au poignet.

     Il eut beau fouiller partout parmi la sciure et les copeaux de bois qui jonchaient le sol, rien n’y fit : la montre demeurait désespérément introuvable.

     Ses apprentis s’y étaient mis aussi : l’union ne fait-elle pas la force ? Ils continuèrent ainsi à fouiller ensemble.

     Mais la pièce était dans un tel désordre, le sol était jonché d’un bric-à-brac indéfinissable :

vraiment, il était impossible de s’y retrouver.

La nuit s’était mise à tomber, et ils décidèrent d’un commun accord de remettre les recherches au lendemain.

     Le fils du menuisier qui se trouvait là resta pour jouer dans l’atelier de son père.

     Il rentra peu de temps après, annonçant à celui-ci qu’il avait retrouvé la montre ! 

     Très surpris, le menuisier lui demanda : « mais il fait déjà si sombre, comment as-tu fait ?

     Le petit garçon lui répondit :

« Après le départ de tout le monde, je me suis retrouvé là tout seul dans le silence, et alors j’ai pu entendre son tic-tac.

J’ai repéré d’où il venait, et j’ai retrouvé la montre parmi la sciure et les copeaux. »

     Est-ce que la finalité de la pleine conscience, acte méditatif s’il en est, ne serait pas de nous mettre à l’écoute du Tic-Tac de notre âme ?  » 

Méditation

« On demanda un jour à un maître qui savait méditer,
comment il faisait pour être si recueilli, en dépit de toutes ses occupations.
Il répondit:


Quand je me lève, je me lève.
Quand je marche, je marche.
Quand je suis assis, Je suis assis.
Quand je mange, je mange.
Quand je parle, je parle.


Les gens l’interrompirent en lui disant:
« Nous faisons de même, mais que fais-tu de plus ? »

Quand je me lève, je me lève.

Quand je marche, je marche.

Quand je suis assis, je suis assis.
Quand je mange, je mange.
Quand je parle, je parle.


Les gens lui dirent encore une fois:
« C’est ce que nous faisons aussi ! »


Non, leur répondit-il.
Quand vous êtes assis, vous vous levez déjà.
Quand vous vous levez, vous courez déjà.
Quand vous courez, vous êtes déjà au but…
À chaque action son moment, et à chaque moment son action. »

Le chant de Milarépa (1042 – 1135)

 LE CHANT DE MILAREPA      

(1042 – 1135 ) Sage tibétain

Laisse cela être,

lisse et étincelant comme l’océan,

sans vagues,

libre de la vase, d’un sujet ou d’un objet.

 

Laisse cela être,

ouvert et éclatant comme le ciel,

sans emportement,

dépourvu des nuages des concepts.

 

Laisse cela être,

ferme et inébralable comme une montagne,

sans espoir ni crainte,

dépourvu d’affirmation et de négation.

 

Laisse cela être, 

clair et lumineux comme un miroir,

avec les images des objets tels quels,

y apparaissant sans cesse.

 

Laisse cela être,

comme un archer non-distrait

dans sa sagesse naturelle,

n’allant ni à l’intérieur ni à l’extérieur de lui-même.

 

Laisse cela être,

comme celui qui accomplit sa tâche

et le sait, bien sûr,

spontanément présent, sans espoir ni crainte.